lundi 11 octobre 2010

Nouveau livre de Michelle Blanc sur les médias sociaux : notes à mes étudiants

Je me méfie des gourous. Michelle Blanc est un gourou, elle l’indique au dos de son livre. Je devrais donc, en toute logique, me méfier de Michelle Blanc. Mais elle a de l’aplomb, une profondeur, une pratique qui s’affirme, je me méfie donc à moitié… Première note : rester tout de même critique face aux évangélistes qui jurent de régler vos problèmes en 5, 10 ou 15 points. Ils sont nombreux.
Le livre de Michelle Blanc et de Nadia Seraiocco est, ma foi, quasiment l’événement littéraire de la rentrée. Normal de s’y intéresser. Elles y font une synthèse, pour l’essentiel, des centaines de billets parus sur le blogue de cette «papesse du web», comme l’appelait, sans doute affectueusement, la journaliste Nathalie Petrowski (lire le livre pour comprendre cette pointe d’ironie…). La matière abordée ratisse large, une bonne et une mauvaise chose, selon moi. Il est vrai que le livre s’intitule Les médias sociaux 101. On peut y voir une introduction, une découverte de cette nouvelle bibitte (aucun lien ici avec le pseudonyme de la compagne de Michelle Blanc) que sont les médias sociaux. En ce sens, le bouquin met bien la table. Cependant, à qui s’adresse-t-il ? À vous ? Au grand public ? Aux gens de l’industrie des communications et du marketing ? Je ne le sais pas. On a parfois l’impression que les auteures s’adressent aux gens d’affaires, y allant de conseils les visant directement. On bifurque ensuite vers des éléments de politique 2.0, de questions touchant le Directeur général des élections et la manière dont Barack Obama a marqué le pas lors de sa campagne présidentielle, en ayant recours aux technologies. Pour revenir ensuite à des éléments touchant davantage le grand public. Deuxième note : rappelez-vous votre marketing 101 : savoir lire vos segments pour bien cibler et positionner votre produit. Sinon, vous m’étourdissez.
Michelle Blanc relève un aspect fort important, celui du partage de l’information. N’a-t-elle pas peur de perdre de la «business» en répandant ainsi ses conseils ? Ne devrait-elle pas les conserver pour elle et ses clients, de qui elle tire une grande partie de ses revenus? Agir ainsi serait tout à fait contraire à la nouvelle logique qui s’installe et qui vise le partage. Troisième note : le consommateur est maintenant un canal, un «channel» qui transporte de l’information vous concernant ou concernant la compagnie, la marque pour qui vous travaillez. En distribution, on ne peut négliger un canal. Une bonne distribution est nécessaire au succès. N’oublions pas qu’il est très difficile aujourd’hui de retenir une information. Non seulement les médias et les citoyens scrutent et rapportent ce qu’ils voient, mais cette information circule plus vite que jamais. Et leçon encore plus importante : soyez conscients des traces que vous laissez sur le web. Nous sommes responsables de ce que nous écrivons. Les plus curieux liront le jugement, ou un résumé, de l’affaire Néron rendu par la Cour suprême en 2004. Le cas d’un relationniste poursuivant Radio-Canada. La liberté d’expression y affronte le droit à la réputation.
Michelle Blanc a un fort parti pris pour le web et les médias sociaux. Sans dénigrer totalement le monde conventionnel, faut-il préciser. Et c’est bien ainsi. Les médias et la publicité conventionnels ont très certainement encore leur place. Ils sont d’ailleurs toujours consommés de façon importante. Ne pas les considérer, dans l’élaboration d’une stratégie quelconque, est une erreur. Je cite d’ailleurs sur ce blogue des exemples de mix heureux qui marient web et médias traditionnels. Quatrième note : se méfier de ceux qui débarquent avec des idées ou des solutions radicales, surtout en gestion. Les gestionnaires, souvent par manque de temps, veulent des solutions rapides. La tentation est donc forte d’opter pour le noir ou le blanc. La réalité est rarement aussi simple.
Michelle Blanc détient une Maîtrise en sciences de la gestion. Les trois lettres (M.Sc.) sont d’ailleurs greffées à son  nom. Elle a donc la base d’une formation scientifique. J’aurais aimé que cette formation ressorte un peu. Très fortement anecdotique, elle gagnerait à naviguer un peu dans la recherche et ses résultats. Elle le fait peut-être, mais aucun reflet dans le livre. Cinquième note : sachez prendre de la distance par rapport à votre travail, à votre entreprise. Un objectif difficile à atteindre, c’est vrai, surtout lorsque nous sommes impliqués dans ce que nous faisons. Mais cette distance vous permettra d’affiner votre jugement en observant ce qui va et ne va pas. Les médias sociaux ne sont certainement pas une panacée. Il ne faut pas croire qu’ils vont résoudre tous les problèmes et redéfinir tout, simplement. On parle d’abord de communication et les compétences pour communiquer efficacement sont difficiles à maîtriser.
Bref, voici un livre qui a le mérite d’offrir un survol des principales questions qui touchent la réalité actuelle des médias sociaux. Une suite 201 ou 301 nécessiterait de pousser plus loin la réflexion pour quitter un peu le monde de l’anecdote. Sans aucun doute, Michelle Blanc connaît bien le domaine qu’elle explique et commente sans être ennuyante. Lire l’ouvrage ? Certainement. Malgré quelques bémols, pour la synthèse et le gros bon sens.
Dernière note : les plus curieux peuvent lire un résumé de l'affaire Néron en cliquant sur le titre.

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