vendredi 21 octobre 2016

«Ton esti d'char»

- Comme si on allait brailler pour un crosseur qui veut tout sans payer.
- Ainsi la vie, on paie toujours pour les imbéciles.
- Si tu frappes kkun sans assurance le clown c qui qui va payer ?
- Assure le ton esti de char…voyons réfléchis un peu.
 
Ce sont quelques commentaires qu’un étudiant a encaissé cette semaine sur Facebook après avoir demandé conseils sur la manière de récupérer sa voiture retenue par les policiers. Ces commentaires violents et abusifs sont plutôt courants sur les médias sociaux. On y a tous été confronté à un moment ou à un autre. Les personnages publics doivent apprendre à vivre avec et, malheureusement, monsieur et madame tout-le-monde également. Mais qu’est-ce qui explique qu’un individu puisse être aussi brutal ? La montée en popularité d’Internet, depuis plus de vingt ans, a plongé le monde dans un univers, dans un contexte virtuel où les repères sont bien différents de la vraie vie. Dans ce monde virtuel, notre comportement diffère du bon vieux face-à face, notre langage aussi. Cette présence virtuelle mène à moins de culpabilité, à moins d’embarras et donc à une crainte moins grande d’être rejeté. On se permet alors des propos plus durs. En face-à-face, le contexte fera qu’on adaptera ces propos. Les réactions de l’autre, le lieu et la présence d’individus, par exemple, feront que nos paroles seront plus tempérées. Dans le virtuel, les barrières tombent. Le cerveau n’a pas les informations du réel permettant d’adapter notre langage. Tout est là pour des propos impulsifs et irréfléchis. Difficile d’effacer comme ça, du jour au lendemain, toutes ces années d’évolution.     

Il faut aussi préciser que les hommes et les femmes ne s’expriment pas de la même manière. En général, les hommes laissent tomber la censure plus fréquemment et usent d’un langage plus hostile (flaming en anglais). Les femmes, elles, sont davantage dans une forme de politesse. Plusieurs études tendent à démontrer cette tendance. Bien entendu, les exceptions sont possibles.   

Ces commentaires négatifs diffusés sur les médias sociaux peuvent être dommageables, particulièrement chez les adolescents. Les garçons, semble-t-il, en recevraient davantage. Leur style de communication étant différent, ils sont plus prompts à critiquer et à insulter. À cet âge, plusieurs recherchent des sensations ce qui peut les pousser à publier des propos, des vidéos et des photos qui mèneront à des commentaires peu élogieux. Les filles, elles, risquent plutôt de s’attirer des propos hostiles à la suite de la diffusion de photos ou de vidéos d’elle-même, de leur corps, de leurs vêtements, bref de situations où elles se mettent en scène. Mais heureusement, une faible proportion d’adolescents reçoit des commentaires négatifs. Toutefois, ces commentaires peuvent avoir un impact dévastateur chez celui ou celle, par exemple, qui éprouve une estime de soi vacillante.    

Finalement, comme les propos violents peuvent être contagieux, un premier pourra en entraîner d’autres. Voilà pourquoi il faut être sensible à leur impact et apprendre à les gérer. Et surtout, savoir qu’il y a toute une psychologie qui se cache derrière.     

jeudi 20 octobre 2016

Sacrifier les enfants sur l’autel de la publicité


Très mauvaise surprise de lire aujourd'hui que des producteurs québécois souhaitent un assouplissement à la loi afin de permettre la publicité destinée aux enfants. Et ce, disent-ils, pour sauver les émissions jeunesse. Un projet qui a quelque chose de consternant. La publicité est une arme qui peut causer bien des ravages auprès des enfants, surtout les plus jeunes. Nous sommes tous vulnérables face aux messages publicitaires, imaginez les enfants. Une meilleure connaissance des techniques de persuasion a permis aux annonceurs d’affiner leurs armes. Mais ne soyons pas crédules. Oui, les enfants ont accès à de la publicité sur le Web, oui elle est plus que nécessaire pour la production de contenu en général mais il est aussi possible d’avoir un comportement éthique en tentant de protéger une clientèle vulnérable. La loi le permet. Au début des années 80, le chercheur américain Éric Zanot démontrait que l’attitude des consommateurs envers la publicité était de plus en plus négative. Le projet des producteurs télé n’aide en rien la cause.  

Le Québec a été avant-gardiste en adoptant sa loi sur la protection du consommateur il y a plus de trente ans. Chez nous, toute publicité visant les moins de 13 ans est interdite, à l’exception, notamment, des emballages et des vitrines. Mais comment établir qu’une publicité vise les enfants ? Trois conditions sont requises : 1- À qui le bien ou le service est-il destiné ? Est-il attrayant pour les enfants ? 2- Le message publicitaire est-il conçu pour attirer l’attention des enfants ? 3- Les enfants sont-ils visés par le message ou exposé à celui-ci ? Sont-ils présents au moment et à l’endroit de sa parution ou de sa diffusion ? Précisons que tous les supports et tous les médias sont soumis à la loi, incluant le Web et les chaînes télé spécialisées pour enfants.

L’Office de la protection du consommateur intervient auprès des entreprises qui ne respectent pas la loi soit en avertissant ou en poursuivant. Dans le passé, des compagnies comme Saputo, General Mills et, en 2015, Coke ont été mises à l’amende. Le Québec s’en tire donc relativement bien pour protéger ce groupe vulnérable qui n’est pas encore en mesure de bien distinguer le discours publicitaire. Et l’influence de ce discours est démontrée depuis longtemps. La recherche nous en apprend beaucoup. Par exemple, en 2015, le Journal of Pediatrics mentionne un lien direct entre exposition des enfants à la publicité des chaînes de fast-food et la fréquence des visites dans ces restaurants. Ou encore, en 2014, une autre étude publiée dans le JAMA Pediatrics révèle qu’après avoir été exposé à une publicité montrant un menu pour enfant avec pomme et lait, les enfants identifiaient le fruit comme étant des frites. Mais plus troublante, cette étude britannique publiée cet été par le Cancer Research UK et effectuée auprès de 8-12 ans. Plusieurs ont dit que la publicité présentant de la malbouffe créait une «dépendance», était «tentante» et certains étaient même prêts à lécher l’écran, rien de moins.  

Dans son livre Consuming Kids, devenu un classique, la professeure de Harvard, Susan Linn, mentionne que les enfants américains sont soumis à plus de  40 000 publicités télévisées par année dont plusieurs concernent la malbouffe. Le budget destiné à rejoindre cette clientèle dépasse les 15 milliards $ annuellement. Bien sûr, les parents peuvent toujours intervenir et dire non. Mais Linn rappelle l’un des effets pervers de la publicité destinée aux enfants : le nag factor. Ce harcèlement des enfants qui veulent tel ou tel produit, à l’épicerie ou ailleurs. Un comportement qui peut devenir un réel problème, chez les familles monoparentales notamment où les parents sentent parfois le besoin de plaire à l’enfant pour compenser un manque.

Comme professeur de marketing et de communication marketing, j’insiste fortement auprès des étudiants pour qu’ils aient un comportement responsable, aligné sur leurs valeurs. Le marketing et la publicité ont trop souvent mauvaise presse, parfois avec raison, et ce n’est pas vrai que tous les moyens sont bons pour vendre. Le consommateur doit être informé, et conscient, de l’impact potentiel de toutes ces techniques qui ont été développées avec le temps. Harceler les enfants avec de la publicité va au-delà de mes valeurs. Voilà pourquoi cette proposition des producteurs télé doit être dénoncée avec vigueur.                 

vendredi 14 octobre 2016

Les marques sont dépassées


Depuis des décennies, les organisations ont investi des milliards pour développer leur(s) marque(s). Des hordes d’experts, de gurus, de publicitaires et de professeurs (dont moi) ont fait la promotion de l’importance de les développer et de les nourrir comme des bêtes insatiables. Pourtant, il est très difficile de mesurer l’impact réel de la marque sur les revenus. Ces revenus, le nerf de la guerre, proviennent du consommateur, non de la marque. Il est temps de rééquilibrer les choses et comme on dit en terme savant, de changer de paradigme.

Il faut remettre le consommateur au centre de nos préoccupations, une affirmation qui peut paraître étrange alors qu’on ne cesse de dire qu’il faut répondre aux besoins de ce consommateur. Force est de constater que les organisations ont perdu de vue l’individu en inondant le marché de produits de masse, du «one size fits all». Le «de masse» a de moins en moins la cote. Il est ahurissant de constater, selon certaines estimations, que 50% des nouveaux produits vont être retirés des tablettes, ne rencontrant pas la rentabilité. Pourquoi ? Besoins mal évalués, mauvaise commercialisation, grande concurrence ? Peut-être. Mais il s’agit surtout de ne laisser aucun espace aux compétiteurs, de congestionner le marché. Une stratégie exigeante et coûteuse.

La vision «customer-centric» ou développement «autour» du consommateur doit prendre le dessus. Pour y arriver, nous avons aujourd’hui accès à une quantité phénoménale de données et d’information. Pour une organisation, ces données ont plusieurs sources : site Web, médias sociaux, application mobile, code barre, etc. Mais l’importance de maîtriser cette connaissance semble mal ou pas comprise du tout. Pourtant, les exemples sont nombreux. Netflix a plus de cinq millions d’abonnés au Canada, 80 millions sur la planète. Son succès est dû, avant tout, non pas à sa marque mais à sa capacité à lire les comportements, les traces laissées par ses abonnés et à proposer, à développer des contenus en conséquence. Auprès des adolescents américains, Netflix est plus populaire que YouTube et Hulu. Les revenus sont générés grâce à sa capacité à fidéliser, à retenir le consommateur. Même chose pour Uber, une application qui simplifie grandement les déplacements. Sephora a misé sur l’amélioration de l’expérience magasinage et possède maintenant plus de 1400 magasins dans 30 pays. Des équipes sportives ont recours aux prix dynamiques alors que le prix des places fluctue selon la demande pour un match. Elles peuvent alors améliorer considérablement les revenus par partie.

Cette meilleure connaissance du consommateur devrait permettre aux organisations d’améliorer leurs revenus, de mieux répondre aux consommateurs les plus fidèles qui sont les plus rentables à long terme. Moins d’efforts à fournir, donc, pour ceux présentant un potentiel de revenus moins intéressant. Crûment, il ne faut pas essayer de transformer un «mauvais» consommateur en «bon» consommateur mais plutôt de satisfaire les meilleurs. Les données, pourvu qu’elles soient interprétables, permettent la prédiction, la possibilité de prédire le comportement et de concentrer les efforts à répondre aux attentes. Toutes les organisations, peu importe leur taille, peuvent y arriver. Le problème ? La compétence. Il faut enseigner aux étudiants, collégiaux et universitaires, l’importance des données et les possibilités. Même chose aux organisations. Cessons de mettre autant d’emphase sur la marque et davantage sur la connaissance et la satisfaction du consommateur.

Il s’agit de rééquilibrer les choses.       

 

 

dimanche 9 octobre 2016

«Comment gagner un débat» 101


L’époque est aux débats politiques : ceux du PQ, des présidentielles américaines et ceux à venir au Québec avec les élections provinciale et municipale. Mais comment remporter un tel débat ? Existe-t-il une recette ? Oui et non. Il faut revenir à la source et aller au-delà de tous ces experts en communication qui pullulent. En 1830, le philosophe allemand Arthur Schopenhauer publiait L’art d’avoir toujours raison ou quoi faire pour gagner, au mieux, se sortir vivant d’une telle joute. D’abord, les adversaires devraient être du même niveau, en savoir et en intelligence. Si le savoir manque à l’un, il ne comprend pas tout et n’est pas au niveau. Si c’est l’intelligence qui lui fait défaut, son irritation pourra le pousser à la mauvaise foi, à la ruse et à la grossièreté. Donc, ne pas débattre avec le premier venu, seulement avec ceux que l’on connaît.

Le philosophe y va des plusieurs stratagèmes que tout débatteur devrait connaître. En voici quelques-uns :
1- L’extension abusive : déformer l’affirmation de l’adversaire en l’élargissant volontairement pour la rendre fausse.

2- Utiliser de faux arguments : utiliser le mode de pensée de son opposant pour réfuter une de ses propositions fausses au moyen d’autres propositions fausse. 

3-Postuler ce qui n’a pas été prouvé : on présente comme évidente une chose qui n’a pas été prouvée. 

4- Noyer le poisson : poser beaucoup de questions tout en exposant très rapidement son argumentation défaillante; ceci pour perdre l’interlocuteur qui a besoin de temps pour suivre le raisonnement.

5- Mettre l’adversaire en colère : en étant ouvertement injuste envers lui. Le but est de le mettre hors d’état de porter un jugement juste.

6- L’argument ad hominem : après une affirmation de l’opposant, on montre qu’il est en contradiction avec son comportement ou avec ce qu’il a dit auparavant.

7- Tirer la conclusion : on impose une conclusion sans demander l’avis de son interlocuteur.

8- Trouver une exception : dénicher un exemple contraire.

9- Faire diversion : si nous sommes sur le point d’être battu, on fait diversion, on parle d’autre chose et pourquoi pas une attaque personnelle.

10- Déconcerter par des paroles insensées : le but est de déstabiliser par des bêtises qui ont un air savant. Si l’opposant ne peut riposter ou analyser, on fait passer ces paroles pour une preuve irréfutable.

11- L’attaque personnelle : si l’adversaire est supérieur, et que l’on va perdre, on tient des propos désobligeants, blessants. On délaisse l’objet du débat. Ce stratagème est comme un dernier recours.


Voilà donc un échantillon de techniques sur les manières de se sortir d’une impasse, de survivre à une controverse et mettre un adversaire KO. On est ici dans l’art des apparences afin de convaincre l’auditoire que nous avons raison même si, en vérité, nous avons tort.

Source: Olivier Berruyer & Elisabeth Matussière (2015), les-crises.fr




   

vendredi 7 octobre 2016

Dire adieu à Cric Crac Croc ?


Sommes-nous sur le point de dire adieu au capitaine Crunch, à Cric Crac Croc et à l’ourson Kraft ? C’est en tout cas ce que propose la sénatrice Nancy Greene Raine. Elle souhaite doter le Canada d’une loi encadrant la publicité destinée aux jeunes. Le Québec a été plus qu’avant-gardiste en adoptant de telles dispositions il y a plus de trente ans. Chez nous, toute publicité visant les moins de 13 ans est interdite, à l’exception, notamment, des emballages et des vitrines. Mais comment établir qu’une publicité vise les enfants ? Trois conditions sont requises : 1- À qui le bien ou le service est-il destiné ? Est-il attrayant pour les enfants ? 2- Le message publicitaire est-il conçu pour attirer l’attention des enfants ? 3- Les enfants sont-ils visés par le message ou exposé à celui-ci ? Sont-ils présents au moment et à l’endroit de sa parution ou de sa diffusion ? Précisons que tous les supports et tous les médias sont soumis à la loi, incluant le Web et les chaînes télé spécialisées pour enfants.
L’Office de la protection du consommateur intervient auprès des entreprises qui ne respectent pas la loi soit en avertissant ou en poursuivant. Dans le passé, des compagnies comme Saputo, General Mills et, en 2015, Coke ont été mises à l’amende. Le Québec s’en tire donc relativement bien pour protéger un groupe vulnérable, les enfants, qui n’est pas encore en mesure de bien distinguer le discours publicitaire. Et l’influence de ce discours est démontrée depuis longtemps. La recherche nous en apprend beaucoup. Par exemple, en 2015, le Journal of Pediatrics mentionne un lien direct entre exposition des enfants à la publicité des chaînes de fast-food et la fréquence des visites dans ces restaurants. Ou encore, en 2014, une autre étude publiée dans le JAMA Pediatrics révèle qu’après avoir été exposé à une publicité montrant un menu pour enfant avec pomme et lait, les enfants identifiaient le fruit comme étant des frites. Mais plus troublante, cette étude britannique publiée cet été par le Cancer Research UK et effectuée auprès de 8-12 ans. Plusieurs ont dit que la publicité présentant de la malbouffe créait une «dépendance», était «tentante» et certains étaient même prêts à lécher l’écran, rien de moins.  
Se doter d’une loi canadienne contre ce type de publicité est certes une bonne chose afin d’éviter les dérives constatées aux États-Unis. Dans son livre Consuming Kids, la professeure de Harvard, Susan Linn, mentionne que les enfants américains sont soumis à plus de  40 000 publicités télévisées par année dont plusieurs concernent la malbouffe. Le budget destiné à rejoindre cette clientèle dépasse les 15 milliards $ annuellement. Bien sûr, les parents peuvent toujours dire non et restreindre la consommation de ce type de produit. Mais Linn rappelle l’effet pervers de la publicité destinée aux enfants : le nag factor. Ce harcèlement des enfants qui veulent tel ou tel produit, à l’épicerie ou ailleurs. Un comportement qui peut devenir un réel problème, chez les familles monoparentales notamment où les parents sentent parfois le besoin de plaire à l’enfant pour compenser un manque.
Mieux encadrer la publicité visant les enfants est donc une bonne chose. Doit-on pour autant éliminer les personnages et les mascottes des emballages ? La priorité doit être donnée aux messages diffusés à la télé et sur le Web même si ce dernier est difficile à encadrer. Le législateur devrait fournir les moyens nécessaires.