vendredi 7 octobre 2016

Dire adieu à Cric Crac Croc ?


Sommes-nous sur le point de dire adieu au capitaine Crunch, à Cric Crac Croc et à l’ourson Kraft ? C’est en tout cas ce que propose la sénatrice Nancy Greene Raine. Elle souhaite doter le Canada d’une loi encadrant la publicité destinée aux jeunes. Le Québec a été plus qu’avant-gardiste en adoptant de telles dispositions il y a plus de trente ans. Chez nous, toute publicité visant les moins de 13 ans est interdite, à l’exception, notamment, des emballages et des vitrines. Mais comment établir qu’une publicité vise les enfants ? Trois conditions sont requises : 1- À qui le bien ou le service est-il destiné ? Est-il attrayant pour les enfants ? 2- Le message publicitaire est-il conçu pour attirer l’attention des enfants ? 3- Les enfants sont-ils visés par le message ou exposé à celui-ci ? Sont-ils présents au moment et à l’endroit de sa parution ou de sa diffusion ? Précisons que tous les supports et tous les médias sont soumis à la loi, incluant le Web et les chaînes télé spécialisées pour enfants.
L’Office de la protection du consommateur intervient auprès des entreprises qui ne respectent pas la loi soit en avertissant ou en poursuivant. Dans le passé, des compagnies comme Saputo, General Mills et, en 2015, Coke ont été mises à l’amende. Le Québec s’en tire donc relativement bien pour protéger un groupe vulnérable, les enfants, qui n’est pas encore en mesure de bien distinguer le discours publicitaire. Et l’influence de ce discours est démontrée depuis longtemps. La recherche nous en apprend beaucoup. Par exemple, en 2015, le Journal of Pediatrics mentionne un lien direct entre exposition des enfants à la publicité des chaînes de fast-food et la fréquence des visites dans ces restaurants. Ou encore, en 2014, une autre étude publiée dans le JAMA Pediatrics révèle qu’après avoir été exposé à une publicité montrant un menu pour enfant avec pomme et lait, les enfants identifiaient le fruit comme étant des frites. Mais plus troublante, cette étude britannique publiée cet été par le Cancer Research UK et effectuée auprès de 8-12 ans. Plusieurs ont dit que la publicité présentant de la malbouffe créait une «dépendance», était «tentante» et certains étaient même prêts à lécher l’écran, rien de moins.  
Se doter d’une loi canadienne contre ce type de publicité est certes une bonne chose afin d’éviter les dérives constatées aux États-Unis. Dans son livre Consuming Kids, la professeure de Harvard, Susan Linn, mentionne que les enfants américains sont soumis à plus de  40 000 publicités télévisées par année dont plusieurs concernent la malbouffe. Le budget destiné à rejoindre cette clientèle dépasse les 15 milliards $ annuellement. Bien sûr, les parents peuvent toujours dire non et restreindre la consommation de ce type de produit. Mais Linn rappelle l’effet pervers de la publicité destinée aux enfants : le nag factor. Ce harcèlement des enfants qui veulent tel ou tel produit, à l’épicerie ou ailleurs. Un comportement qui peut devenir un réel problème, chez les familles monoparentales notamment où les parents sentent parfois le besoin de plaire à l’enfant pour compenser un manque.
Mieux encadrer la publicité visant les enfants est donc une bonne chose. Doit-on pour autant éliminer les personnages et les mascottes des emballages ? La priorité doit être donnée aux messages diffusés à la télé et sur le Web même si ce dernier est difficile à encadrer. Le législateur devrait fournir les moyens nécessaires.                 

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